Petite histoire romancée réaliste, mais purement fictive.

 

Patrouille numéro 28

U-123 Type IXC/40

7ème flottille

Partance de Saint-Nazaire le Mercredi 21 avril 1943 à 20 h 43.

 

Patrouille au nord de Lock Ewe, dans le nord de l'Angleterre, à l'ouest de Scapa Flow, grille AM 36.

 

Nous avons rencontré un marchand côtier dès le lendemain. 2 000 t de marchandises ennemies en grille BF 16 entre l’Irlande et l'Angleterre, juste au sud, sur le trajet allé.

J’avais choisi cet itinéraire car je savais pouvoir y rencontrer des navires marchands solitaires venant de Sydney ou de Halifax.

Nous venions de l’est, lui de l’ouest. Maintenant qu’ils sont équipés de canons, je plonge dès que possible pour éviter d’être pris pour cible. Cela évite aussi qu’il zigzague après m’avoir repéré. Guidé par l’hydrophone et le sonar, (à l’époque, cette appellation n’existait pas) nous nous sommes approchés à 400 mètres, par son tribord en plongée périscopique. Je hisse le périscope, la nuit était d’encre. Très difficile de le distinguer, de plus il pleuvait et la mer était très houleuse. Soudain, je l’aperçois ! Tous feux éteints. Les graduations du périscope et le cahier d’identification me permettent de le situer à moins de 150 mètres ! Nous arrivions par son tribord avant, impossible de lancer la moindre torpille à moins de 300 mètres, la distance d’armement. Le petit bateau tanguait  suivant les vagues. Etant en plongée à 12 mètres (7 mètres d’eau au-dessus du pont) nous ne subissions pas la houle. Les hommes étaient tous calmes, quoi que légèrement tendus à l’idée de rater cette si belle cible. J’ordonnai l’avance rapide et la barre à bâbord à 50°. Pour limiter la consommation de courant, je navigue habituellement avec les électriques au tiers. Je comptais effectuer un demi-tour par bâbord afin de naviguer parallèlement à lui et de m’en distancer de 350 mètres. Une manœuvre habituelle. Le bateau étant très lent, 5 nœuds, nos 7 nœuds suffiraient. Je continuai de le fixer avec le périscope largement sorti de l’eau à cause des creux. Vu les conditions météorologiques, il ne pouvait pas le distinguer. Arrivés à bonne distance, je demandai d’ouvrir les tubes 1 et 2 pour un tir sur son avant et son centre afin d’être sûr de ne pas le louper. Je communique les données du tir à l’officier de tir qui les entre dans le calculateur, donnant la solution de tir. Parfaite, légèrement sur son avant, les torpilles allaient le toucher perpendiculairement. Je confirme le tir.

- Lancez les tubes 1 et 2 !

- Tubes lancés ! Me confirme l’officier de tir.

Les deux torpilles à vapeur font route vers la cible. Brusquement, une grande gerbe. Que se passe-t-il ? Nous ne sommes qu’à la moitié du temps calculé avant l’impact, une quinzaine de secondes ! Encore ces fichues torpilles qui explosent prématurément. Je n’avais pas fini d’extérioriser ma rage qu’une explosion gigantesque se fit ressentir. Le submersible vibrait à cause de l’onde de choc causée par la dislocation du navire marchand que je pouvais voir dans le réticule du périscope d’attaque. Il devait transporter des munitions. Les américains n’ayant pas assez de bateaux, ils se servaient des navires marchands pour transporter leurs armes et munitions, l’équipage était volontaire pour nous affronter et ils recevaient des primes importantes à leur rentrée au port… Encore fallait-il ne pas nous croiser !

- Cible détruite ! Me dit l’hydrophoniste avec un léger sourire. Il est 22 h 19.

- Bien, surface !

A peine mon ordre donné que l’hydrophoniste (je parle du matelot en ayant la tâche) me fait part d’un bruit d’hélice rapide venant d’est-nord-est. Un destroyer, certainement !

- Cap à l’ouest !

Je ne cherche pas le combat contre un destroyer, surtout que j’ai gardé un assez mauvais souvenir de ma précédente altercation, que j’avais remportée d’une manière peu banale.

 

***

 

C’était au large des Etats-Unis. On nous avait envoyé patrouiller près de New York, que nous ne pûmes contempler tellement la présence ennemie dans les airs et sur l’eau était omniprésente. Nous étions contraint de naviguer en plongée tout en faisant surface le moins de temps possible afin de recharger les batteries, de ventiler le bâtiment et d’aérer les hommes. Le soleil transperçait un voile nuageux assez léger et se reflétait sur une mer d’huile. Après la patrouille peu fructueuse, je rebroussai chemin avec plaisir. L’endroit était particulièrement dangereux et l’équipage en entier était stressé par la présence d’avions qui nous tombaient dessus soudainement, sortis de nulle part. Nous n’avions pas le temps de plonger, et même sous l’eau ils restaient une menace. Un sous-marin est très visible d’avion, même sous l’eau en faible profondeur. L’avion pouvait jouer à cache-cache dans les nuages, lui. De plus, il était très rapide. Vouloir s’en défendre par l’armement DCA était infaisable lorsqu’ils étaient plusieurs.

Une Task Force nous a été signalée, venant du Canada et faisant route vers l’Angleterre. Il me restait seulement 3 torpilles, mais n’ayant jamais vu de navires de lignes ennemis de près, je comptais couper la route de la TF et les attendre avec précaution, plongeant en périscopique dès l’apparition de la moindre fumée au loin. Si l’escorte était réduite, je lancerais mes 3 torpilles en gerbe contre le plus important navire et gagnerais les profondeurs les plus sombres tout en mettant le cap au sud pour m’éloigner du danger. Arrivés sur les lieux calculés, nous cherchâmes la TF pendant une journée. Dans l’après-midi, nous dûment nous rendre à l’évidence, nous avions raté l’objectif. Finalement, après quelques heures de recherche, au loin à l’est, le ciel s’est obscurci de fumée. Le moral remonta, bien que nous attendions la TF à l’ouest, bien que nous ne parviendrions pas à la rattraper, j’étais satisfait d’avoir réussi à localiser mon but.

Je demande à l’officier navigateur de calculer la route de retour et la vitesse maximale en fonction des réserves de carburant. En attendant, je décide de mettre le cap à l’est, afin de suivre la TF. Dans le cas où celle-ci changerait de cap, je pourrais peut-être la rattraper. Il n’est pas encore 15h30 quand une envie pressante me fait redescendre. Puis la tension accumulée de la journée m’ayant fatigué, je vais me reposer dans ma cabine. Quelques minutes passent puis une agitation anormale me tire de mes réflexions. Je pensais à ma permission largement méritée, aux promotions que j’accorderais à mes hommes, notamment à ceux qui ont le moins supporté le stress qu’a occasionné cette première mission au large des Etats-Unis. Un de mes officiers s’était demandé en début de mission s’il serait possible de croiser au large de la ville de New York, voire même de la visiter… Bien sûr il plaisantait. Nous nous sommes trouvés à moins de 200 km de la ville, et à dire vrai, personne n’avait en tête de se rapprocher des côtes. Au contraire, je n’avais même pas patrouillé toute la zone qui m’avait été désignée… L’agitation cesse et soudain, un matelot me tire définitivement hors de mes songes :

- Commandant ! Cria-t-il nerveusement. Commandant ! Nous faisons route… Nous sommes face à un convoi ! Il nous arrive dessus !

Nous avions loupé la TF, mais sans le vouloir, nous nous dirigions vers un convoi non signalé qui nous faisait face !

- Plongée périscopique ! Hissez le périscope ! Moteur en avant 1/3 !

Nous allons nous placer au centre du convoi, tirer nos trois torpilles contre un pétrolier, plonger et fuir dans le sens contraire du convoi. Plein est.

Nous nous trouvons encore à 4 km du destroyer de tête. Le moindre bruit nous ferait repérer.

- Plongée… Euh… 20 mètres ! Moteur en avant lente ! Baissez le périscope ! Dis-je en chuchotant.

De longues secondes passent. L’hydrophoniste me situe le destroyer de tête à moins de 1 000 mètres maintenant.

- Commandant ! Il accélère !  Il change de cap ! Il nous cherche ! (Il a activé son asdic.)

- Lancez les contre-mesures ! (Boîtes métalliques lancées par un tube spécial sur le côté. Un leurre pour les asdics, efficace pendant 5 minutes.) Cap au sud-est ! Moteur en avant toute ! Descente rapide, 200 mètres !

Puis s’en suit une longue chasse. Revenu à une « vitesse » d’un tiers (3 nœuds) à 200 mètres de profondeur, le destroyer perd ma trace, me retrouve, perd à nouveau ma trace… La course poursuite dure plusieurs heures et malgré plusieurs tentatives de changer de cap, nous nous faisons rattraper. Il me grenade de temps en temps, mais toujours trop loin. Je compte sur l’abandon du destroyer pour refaire surface. Les batteries commencent à faiblir et nous ne pourrons pas continuer éternellement à éviter le destroyer. La nuit va tomber et il nous sera difficile de tenter quelque chose par manque de visibilité, alors que notre adversaire solitaire, très isolé de son convoi sur le chemin du retour (mais sa valeur reste haute : les américains manquent de bateaux, en coulant un pétrolier, même vide, cela les gêne et ne me coûte pas très cher) sans pour autant sembler gêné, nous voit tout aussi bien la nuit que le jour sous l’eau, mais nettement moins en surface. Les escorteurs ont reçu pour consigne de nous poursuivre et de nous couler dès notre détection, même en laissant le convoi de côté. Alors, celui-là s’acharnait à respecter ses ordres.

Je décide de remonter en plongée périscopique tout doucement. Quelques minutes s’égrainent. Je hisse le périscope et le pointe en direction du poursuivant, direction donnée par notre cher hydrophoniste. Le matelot me regarde avec un regard inquiet.

Tous me connaissaient. Tous savaient ce que je projetais. Tous savaient que c’était là l’unique chance de changer le destin. Nos batteries faiblissaient, notre vitesse chutait, et afin de tenir la profondeur périscopique, il me fallait dans les 5 nœuds. Plus les batteries faiblissaient et plus on demandait de puissance au moteur pour maintenir la vitesse, ce qui avait pour effet de vider les batteries plus vite encore… Le cercle vicieux…

- Ouvrez le tube 4 !

Soudain, la lentille crève la surface et j’aperçois dans mon réticule le destroyer entamant un long virage par tribord. Il était à l’arrière bâbord, à 800 mètres. Sa vitesse était moyenne, de l’ordre d’une petite vingtaine de nœuds.

Je laisse l’officier de tir se saisir du périscope, je prends avec précaution  le périscope d’observation : plus grosse, la lentille se fait plus facilement repérée. Je fais un rapide tour d’horizon et constate avec stupeur la présence d’avions se dirigeant sur nous. Ils devaient être trois ou quatre.

- Vite, vite, lancez le 4, baissez les périscopes et plongez ! 20 mètres !

J’espérais perturber le destroyer, l’obliger à évoluer. De violentes explosions secouèrent le sous-marin. Les avions lançaient leurs grenades qui explosaient à très courte distance. Quelques ampoules éclatèrent, mais il y avait plus de peur vis-à-vis du destroyer que de mal… La vague d’attaque médiocre passée, je fis remonter le submersible, ouvrir les tubes 2 et 5, (il me restait une torpille à l’arrière) hisser le périscope d’attaque. Je pris en charge la manœuvre. Je distinguais la moustache du destroyer, qui se dirigeait droit sur nous à vitesse maximale. Situé au 250 (250° par rapport à l’avant de notre sous-marin, en comptant dans le sens des aiguilles d’une montre) à 700 mètres et se rapprochant très vite, je fis faire un léger virage à bâbord de façon à présenter mes deux tubes. Pas le temps de se servir du calculateur, et tout à fait inutile car les chances de toucher un destroyer de face sont quasiment nulles. A l’estime :

- Tubes 2 et 5, lancez !

- Etes-vous sûr !?

- Lancez les 2 et 5 !

- Mais nous n’aurons plus de torpille !

- J’ai dit, lancez les deux tubes ! Mer-de !

Un silence pesant régna dans le compartiment de commandement. L’officier de tir, plus jeune, exécuta mes ordres à contrecœur. Un souci de moins pour l’attribution des médailles…

J’espérais que le destroyer change de cap à la vue d’une torpille et se dirige vers l’autre. Lancées par l’avant et par l’arrière, les deux torpilles avaient un angle différent et ne se suivaient pas l’une derrière l’autre.

Ce qui se passa ensuite tient du miracle. Le destroyer, peut-être gêné par le bruit de mon moteur, n’entendit pas arriver le danger… La torpille du tube 2 se dirigeait pourtant droit sur lui ! Elle explosa légèrement sur son bâbord avant… En pleine proue ! Du jamais vu ! Il se souleva de l’avant ! La deuxième torpille le manqua, quant-à-elle.

Mon heureuse surprise passée, je constate qu’il change de direction… Il retourne à son convoi en filant 6 nœuds ! (Autrement dit, il aura bien du mal de le rattraper, d’autant plus qu’on n’aperçoit même plus les fumées des dizaines de navires tellement la distance est devenue importante.)

Passé les 6 km entre lui et nous, je décide de faire surface pour terminer mon coup d’éclat au canon ! Au besoin, nous nous enfoncerons encore quelques minutes, mais si cela réussit, ce sera une importante victoire pour nous, le moral sera au plus haut et surtout, nous aérerons le bâtiment tout en rechargeant les batteries. L’air est très vicié et les batteries n’en ont plus pour une heure.

- Surface, cap au 170.

Je vais lui faire face et garder cette distance. Nous sommes bas sur l’eau, il aura beaucoup de difficulté à régler son tir. Si ses salves se rapprochent, je replongerai quelques minutes en le fuyant. Je demande aux deux sous-officiers responsables du puissant fusil de pont de 105 mm de se tenir prêt avec un matelot en forme.

- Prenez un matelot avec vous, et tirez à volonté une dizaine de perforants puis ce qu’il faudra d’explosifs.

Officier de garde, montez et ajustez leur tir !

Si tôt fait surface, les hommes s’exécutent. Le matelot s’occupe des munitions, les sous-officiers gèrent le canon. Quelques secondes passent. Une fois la distance donnée par l’officier, les hommes ajustent l’élévation du canon. Nous jouons sur notre vitesse pour ne pas rattraper le destroyer. S’en suivent plusieurs tirs dont une moitié au but. Le destroyer ne riposte pas, ses superstructures sont ravagées. Les hommes passent aux obus explosifs. Le tir se précise, rares sont les obus tombant à côté de l’objectif. La mer est très calme, le soleil était encore élevé dans le ciel. Il se couchera d’ici une heure. Je fixe l’objectif aux jumelles de tir des torpilles sur le pont, le grossissement est de l’ordre de 6 fois. Plusieurs explosions. Des incendies éclatent. Des embarcations sont mises à la mer. De là où l’on se trouve, aux jumelles, on distingue des points noirs tomber à l’eau. Ce sont des marins qui tentent de fuir les violents incendies. Certains responsables parlent de concevoir de nouveaux sous-marins sans canon. Je préfère rester dans mon type IXC que de demander un tel sous-marin. Nous continuons à tirer encore et encore. Au total, 36 obus seront tirés. 15 perforants et 21 explosifs avant que je leur demande de cesser le tir.

- Cessez le feu ! Cap à l’est, navigateur, itinéraire et vitesse !

- Itinéraire planifié, Commandant ! Moteur en avant lente. (Avec cette puissance, nous ne dépasserons pas les 2 à 3 nœuds.)

- On ne peut pas aller plus vite ?

- Nous n’avons plus que le tiers du réservoir !

- Bien, reprenez les quarts.

Nous allions mettre plusieurs semaines pour rentrer, sans torpille et avec quelques obus. Mais nous étions saints et saufs, et notre sous-marin n’avait aucun dommage. Quelle chance incroyable ! Le destroyer fut absorbé tout doucement par l’impressionnante étendue d’eau.

 

Cette situation est réapparue plusieurs mois plus tard, dans une de mes dernières missions au large des Etats-Unis. Mais nous étions pourvus de torpilles guidées par acoustique. Je fis lancer une de ces torpilles en direction du poursuivant qui tenta de l’éviter. Apparemment, il y parvenu… Seulement, la torpille a marqué un virage à 360 degrés et explosa en dessous de lui peu de temps après. Il était aidé par un autre destroyer, mais dérouté par le changement de direction de la torpille, il nous chercha bien plus loin et nous pûmes nous échapper sans la moindre difficulté.

 

***

 

Ce lundi 26, nous sommes arrivés sur les lieux de notre patrouille. Nous sommes habitués à patrouiller au large des Etats-Unis, alors cette patrouille au nord de l’Angleterre est vraiment une balade. Je décide de poursuivre plus à l'est de 10 km (grille AN 15) où un cargo C2 de 6 500 t avait été signalé. Je le touche de 2 torpilles au centre, lancées de 600 mètres. Je l’achève deux minutes plus tard d’une torpille sur l’arrière, lancée de 350 mètres, à 11 h 06. Un cas d’école.

À ce moment quand je manœuvre pour revenir à ma patrouille, on me signale un autre marchand côtier faisant route au nord-est en grille AN 13.

Je décide de l'intercepter et calcule le point d’interception à 80 km. Je le coule avec une facilité déconcertante à 13 h 53.

 

J'ai utilisé sept torpilles, il m'en reste 15 dont trois T1 FAT1, (dont une à l’arrière) des torpilles à vapeur à schéma de direction. Idéal pour un convoi ou un gros marchand, si la torpille le loupe, celle-ci fait demi-tour dans le sens choisi, à la distance choisie et ainsi de suite jusqu’à son épuisement, selon un schéma prédéterminé. Les autres sont de simples torpilles T1 à vapeur. Je les préfère aux électriques. Malgré qu’on nous assure que les défauts avaient été corrigés sur les torpilles électriques, celles-ci continuent à très souvent exploser prématurément. Les torpilles à vapeur ont nettement moins le problème. Elles, c’est plus leur détonateur à percussion qui se bloque… Mais moins souvent que l’explosion prématurée des électriques. Certes, le jour leur sillage de bulles d’air est détectable, mais à une portée inférieure à 700 mètres, les marchands n’ont pas le temps d’évoluer.

Il est 14 h 29, je relève quelques hommes fatigués du dernier combat. Mon second effectue le changement de quart. La moitié de l'équipage aurait bien besoin de sommeil. Nous nous arrêterons dans notre zone de patrouille et repartiront après un bon repos. Pour l'instant les torpilles externes doivent être déplacées à l'intérieur et nous devons regagner la case AM36.

La coque principale a subi quelques dommages pendant une attaque. Restés trop longuement en surface, nous distancions le cargo d’à peine 2 500 mètres. Celui-ci nous a envoyé un pruneau qui  a explosé à proximité et dont les shrapnels  ont fortement criblé le kiosque. Il n’y eut aucun blessé, car les hommes ont eu le temps de se coucher dans la baignoire juste avant l’impact. Nous avons été très rapides à plonger…

La nuit tombe à 19 h 45. Nous arrivons au centre de notre zone de patrouille. A 20 h 25, j'ordonne l’arrêt. Nous nous trouvons exactement au nord de Lock Ewe, à une centaine de kilomètres.

Je fais une ronde dans le sous-marin. Le tonnerre gronde toujours et le ciel s'obscurcit de plus en plus, mais il ne peut pas. Une protection contre les attaques aériennes, cette tempête. J’autorise la majorité des hommes à aller se reposer. Nous repartirons demain matin.

Il est temps de manger et de s'accorder une bonne nuit de bon temps.

Notre patrouille va d'autant plus vite que le trajet et moins long : nous ne sommes pas tenus d'économiser le carburant pour rentrer !

Le jour se lève à cinq heures. Le Radio me réveille à 5 h 30 pour m’informer qu’un navire doit se trouver à 180 ou 190 km au nord-est, faisant route vers l'Islande à vitesse moyenne. Notre mission étant terminée, après m'être préparé pour affronter cette nouvelle journée :

- Cap au nord-ouest, pleine vitesse !

Je fais ma ronde matinale. Le chef me fait un rapport très bon :

- 65 % de carburant, tout est « okay » commandant ! Me dit-il en faisant une grimace. « Okay » n’étant pas un mot courant par chez nous…

Je remplace les hommes de veille par quelques-uns qui ont bien profité de cette nuit.

La météo est toujours égale à elle-même. Une légère pluie a remplacé le tonnerre qui s’estompe peu à peu, la visibilité est toujours assez réduite, la couverture nuageuse toujours très dense. La mer reste assez peu démontée, le vent baisse de violence. Toutefois, notre vitesse est réduite à 15 nœuds. Il sera six heures dans 10 minutes.

Mes hommes savent que je rentre uniquement lorsque je n’ai plus de torpilles ou deux au maximum. Ils savent parfaitement que je ne veux pas rentrer sans résultat, cela me fait bien voir, et me donne l'opportunité d’avoir toujours le meilleur matériel dernier cri, ainsi que la possibilité d’attribuer plus de promotions ou médailles.

Il est peu probable que nous réussissions à l'intercepter : je dois faire 500 km en direction du nord-ouest, puis revenir sur sa route au sud-est pendant 300 km. Si nous ne l’avons toujours pas rencontré, je reviendrai au sud de l'Irlande, là où ça grouille de marchands ennemis, sans être très loin de nos bases.

Il est 20 h 25. Hier, nous étions arrivés au centre de notre zone à patrouiller à cette heure-là. Aujourd'hui, je demande la modification de notre route : nous coupions la route du navire non identifié en grille AE 98.

Nous sommes le Mercredi 28 avril 1943. Cela fait déjà une semaine que nous patrouillions.

Minuit vingt. Le radar signale un écho au 133 à longue distance. Je me rends sur le pont. Le temps est toujours aussi catastrophique. Seule évolution : il ne pleut plus. Notre vitesse est encore freinée par la mer un peu plus grosse : 14 nœuds. Je fais changer le cap : ouest-sud-ouest. Je cherche la cible.

Minuit vingt-neuf :

- Echo droit devant, commandant ! Me dit le sous-officier radar.

- Je crois que c'est un destroyer ! Hurle Hugo, un vieux sous-officier de quart à l’hydrophone. Il est à 19° et accélère ! 2 à 3 000 mètres !

- Commandant ! Plongée rapide ! Destroyer droit devant ! Hurle le responsable veilleur en descendant dans le poste de commandement, talonné par trois matelots effrayés.

Il nous fonce dessus de l’ouest !

- Plongez ! ! ! Foncez sur lui ! Combien sous la quille ?

En nous dirigeant vers lui, on diminue la surface du sous-marin à son asdic : en limitant la surface de réflexion de l’ultrason, celui-ci ne se réfléchit pas bien ou nettement moins. Au dernier moment, on change de cap perpendiculairement au destroyer.

- Toute la profondeur voulue commandant ! Répond le navigateur.

- Descendez à 100 mètres ! Réduisez la puissance pour réduire le bruit !

- Trop tard commandant ! Me répond l'officier de tir.

- Merde ! Chef, larguez un leurre, continuez à plonger : 100 m. Cap au nord en avant lente !

- Il nous recherche à l’asdic, commandant. Il nous a accrochés !

- Accélérez, pleine vitesse !

- Il nous a perdus !

- En avant lente !

- Il est au-dessus de nous. Grenadage !

- Pleine puissance aux électriques !

De 2 nœuds, nous passions à 7 nœuds.

- Economisez les batteries, réduisez la vitesse. 3 nœuds, les charges son derrière.

Les grenades mettent plusieurs secondes pour arriver à 100 mètres de profondeur, nous avions le temps de manœuvrer quand nous étions grenadés. Nous pouvions descendre jusqu’à 170 mètres, mais ce n’était pas encore utile de tester la solidité de la coque criblée par les éclats d’obus du Cargo.

- 103 mètres, cap au nord, Commandant ! Indique le navigateur.

Je relève quelques hommes fatigués, essentiellement aux machines.

- Il se dirige vers nous... Il est passé derrière... Il nous grenade à 70 mètres derrière !

- Laissez, continuez vers le nord, trois nœuds.

- Il en balance encore, à 90 mètres.

Il est minuit vingt-sept. Sept minutes depuis la plongée rapide. A minuit quarante, je l’écoute à l’hydrophone moi-même. Tout à coup il accélère. Il grenade loin derrière à 800 mètres environ. Il semble nous avoir perdus. Je laisse la place au matelot.

- Rien ne nous presse. On va attendre tranquillement. Conservez le cap, la vitesse réduite et la profondeur.

Quelques minutes passent, nous reprenons nos esprits peu à peu.

- Vous parlez d'un navire marchand... Lance le vieil Hugo.

- On aurait arrêté notre radar dès le premier contact ! Répliqua un officier assez âgé lui aussi en regardant d'un œil mauvais le sous-officier qui en avait les commandes. Il hait ces « équipements modernes qui dénaturent tout le jeu » selon ses propres mots. Qui ne l'a pas déjà entendu vociférer « arrête ta merde ! » à l'encontre du responsable radar dès qu’un écho était renvoyé ou « merde, va falloir plonger ! » en le regardant méchamment dès que le détecteur d’ondes radars signalait que nous étions visés par un autre radar.

- Oui, mais nous ne savions pas où il était ! Et nous recherchions un marchand. Répliqua le sous-officier radar.

- Tu vois ce que c’est que ton marchand ?

- Fermez-la ! Dis-je en m’adressant à l'officier : allez vous reposer !

Minuit quarante-sept.

- Plusieurs grenadages à plus d'un kilomètre et demi, au sud-ouest.

- Bien, chef, occupez-vous de l'équipage. Réveillez-moi à 3 h 30, je prendrai votre relève.

- Il nous cherche encore, commandant. Je l’ai perdu.

- Il doit être loin. Réveillez-moi s'il revient. Je m’apprêtais à rejoindre ma cabine quand tout à coup j'entendis un bruit anormal.

- Commandant ! Il est au-dessus de nous ! Me dit l’hydrophoniste. Il tourne tout autour. Il s’éloigne. Il est maintenant à plus de deux kilomètres au nord-est.

- Bien, cap à l’est. Chef, à 3 h 30.

- Bien, Commandant.

- N’oubliez pas de faire les relèves.

- Bien sûr Commandant !

Le destroyer ennemi nous avait perdus et repartait. J'attendais qu'il s'éloigne suffisamment pour qu’il ne nous repère pas au radar. L’hydrophone a une bien meilleure portée que le radar, nous savions qu'il n'y avait pas de marchand dans les parages. Je vais revenir au sud de l'Irlande, où nous avons plus de chances de trouver des cibles. Le submersible craquait sous l’effet de la pression de l’eau. Je repensais à cet officier, ce loup de mer. Très grognons, mais Ô combien expérimenté ! Le sommeil me gagna.

- Commandant, réveillez-vous. Il est passé quatre heures.

- D’accord Otto. Reposez-vous.

J’effectuai trois relèves, dont deux hommes aux électriques. Je fis quelques contrôles : 90 % d’énergie aux batteries. 100 % d'air comprimé, environ 5 % de dioxyde de carbone, et 60 % de carburant. Très bon.

- Rien à signaler ?

- Non, commandant ! Me réponds l’hydrophoniste.

- Surface ! Pleine vitesse, route au sud-sud-ouest !

Nous remontions à 6 nœuds. 70 mètres de profondeur déjà. Je souhaitais longer les côtes de l'Irlande. Inutile de faire un tour d'horizon périscopique avec ce temps. Il n’y avait pas une très grande différence entre le jour et la nuit à cet endroit du globe. Si ce n'était cette tempête qui limitait notre visibilité à quelques kilomètres. L’hydrophone me renseignait suffisamment. Il faisait une chaleur infernale dans le submersible. C’était paradoxal. Je devais sans doute me faire des idées. Il était 4 h 21, je rejoignis les veilleurs dans la baignoire. Le temps n'avait guère évolué, si ce n'est la mer qui s'était vraiment calmée. Pour autant, nous avons passé plusieurs dizaines de minutes à revenir à une vitesse médiocre de 15 nœuds. Le jour se leva à cinq heures.

Il est 05 h 30 comme j'effectue un tour complet du submersible. Rien de particulier à noter. Le bâtiment était propre, cette mission ressemblait à un exercice.

La journée se passa sans qu’aucun incident n'interrompe notre marche. Le lendemain matin, jeudi 29, le Chef était venu m'informer que nous étions passés en deçà de 50 pourcent de carburant, et nous marquâmes une courte pause en fin de matinée, avant de repartir. Nous étions en grille AM57, à l'ouest de l'Irlande, au niveau de Hartlepool.

À 20 h 19, Hugo qui était à ce moment là de quart à la radio et au radar m’informa qu'un navire marchand a lancé un appel radio et qu’il doit se trouver à une trentaine de kilomètres au sud de notre position. Le moral nous revenait !

- Commandant ! J'ai un marchand. 30 km au sud, route au sud-est, vitesse lente ! Dit-il joyeusement.

- Super ! Préparez-vous à une attaque à la torpille. Tout est « okay » aux torpilles ! Route au sud-sud-est !

- Bien commandant !

- Tout est paré, commandant !

Je montai sur le pont. La mer était assez démontée. Des vagues de plus d’un mètre de hauteur passaient au-dessus du pont. Nous étions aspergés d'eau à chaque passage d’une telle vague. Un vent très fort, doublé par le bruit de l’eau et un grondement de tonnerre permanent nous empêchaient de nous entendre. La visibilité était très réduite, nous ne voyions rien à plus de 1000 m. Je comptais sur le radar pour localiser ma cible.

- Route au sud. Dis-je à 21 h 08.

La nuit tombait et les vagues arrivaient à hauteur de la baignoire. On n'y verrait bientôt plus rien ! Trempé, je redescendis dans le bâtiment. Une demi-heure plus tard, à 21 h 42, nous allions couper sa route théorique. Je pris la place de l’hydrophoniste. Je fis un tour d'hydrophone en fermant les yeux, mais rien. Notre bruit empêchait toute écoute (nos propres moteurs et notre déplacement dans l'eau malmenée par la tempête engendraient un bruit infernal).

- Plongée périscopique ! Coupez les moteurs !

Un bruit d’hélice à faible vitesse au 58 ! Surface ! Moteurs à la puissance maximale. Continuez sur notre route, nous allons le rencontrer !

Je relève quelques hommes fatigués, j'en place d'autres aux compartiments des torpilles. Je retourne sur le pont. On n'y voyait rien ! Nous étions obligés de nous sangler si nous ne voulions pas risquer de tomber dans la mer, auquel cas nous serions perdus.

22 h 05, nous arrivions à 500 m de la route théorique du marchand. À l'hydrophone, nous percevions sans effort le bruit de ses machines au 84.

- Cap à l'ouest !

- Route au 270, commandant !

- On le devine devant, il devrait passer sur notre bâbord, commandant.

- Radar, rien ?

- Non, le mauvais temps doit perturber les ondes, répond Hugo.

Je me rends dans la baignoire.

- Ouvrez l'œil, léger bâbord !

- Bien !

- Contact radar ! Commandant ! Au 333, longue distance ! Hurle Hugo à 22 h 16.

- Parfait, parfait. Léger bâbord.

- Bien, route au 256.

- Commandant !!! Me hurle un veilleur dans les oreilles. Destroyer classe C au sud-ouest à 6 km, route au sud-est à vitesse moyenne ! Hugo se trouvait en bas de l’échelle. Il venait de capter une conversation non cryptée entre un destroyer et le marchand qui, visiblement, était perdu. Il suait à grosses goutes.

- Tu vas noyer le sous-marin vieux ! Lui répondit le veilleur pourtant au moins aussi tendu que lui.

- Plongée en périscopique, on se guidera à l'hydrophone. Gardez une bonne vitesse !

Il se mit à pleuvoir. Il n’y avait rien à voir au périscope, mais j'avais connu pire.

- Arrêtez les moteurs le temps d'un tour d'hydrophone.

Il y avait toujours ce marchand devant, et ce destroyer que nous n'avions pas vu venir, qui ne se déplaçait pas très vite.

- Moteur aux tiers.

- Marchand clairement identifié, longue distance au 350 !

- J'aurais préféré que vous m'avertissiez pour le destroyer. Cap au sud-est. Attendez qu’on soit derrière le destroyer et accélérez. Quelles distances ?

- 5 km pour le destroyer, plus de 10 pour le marchand.

- Baissez le périscope ! Merci.

Quelques longues minutes passent.

- Commandant, vous suivez le destroyer, mais le marchand s’enfuit au sud !

- Revenez au sud-ouest, pleine vitesse.

Une petite demi-heure paraissant interminable s’écoula.

- Revenez au sud, surface.

Une nouvelle demi-heure s'écroula, puis je demande de faire route à l'ouest. Mais nous l'avions perdu.

- Arrêtez les machines.

- Il est au 275, m’informa l’hydrophoniste.

- Pleine vitesse au sud-sud-est.

Quelques vagues passaient maintenant au-dessus de la baignoire. Il était maintenant plus d’une heure du matin et la course-poursuite devenait fatigante.

- Arrêtez les machines, faites un nouveau point.

- Au 50, commandant !

- Bien, revenez au sud, relancez les machines ! J'espère que cela en vaut la peine.

À deux heures moins dix, nous fîmes un nouveau point. Il se trouvait ou 60.

- Sud sud-ouest !

Dix minutes plus tard :

- Contact radar, au 34, longue distance ! La sueur perlait toujours sur le front du vieil Hugo. Les goutes se brouillaient dans sa barbe de plusieurs jours.

- Continuez comme ça. Ensuite, repos bien mérité répondis-je avec un sourire.

Dehors, on ne le voyait pas. La pluie cessait de temps en temps, mais la tempête n'avait pas baissé de régime. Tout le monde était tendu, mais je ne pu relever les hommes les plus à bout. Nous, les officiers, avions un travail moins harassant. Mais impossible de réfléchir bien longtemps : quelques dizaines de secondes plus tard :

- Commandant ! Nouveau contact radar. 6 km au sud-ouest. Reporté à 02 h 06.

Nous consignions avec soin l’heure de chaque mouvement. Cela nous permettait de comprendre le schéma de navigation des autres unités.

- Plus à l'ouest.

L’opérateur radar pouvait suivre la cible sur son écran. Nous étions maintenant à 5 km de distance. On le verra au dernier moment en visuel, et l’attaque sera particulièrement difficile à cause des conditions atmosphériques. Le manque de sommeil se faisait ressentir. A peine arrivé aux nouvelles dans la baignoire, qu’un violent éclair illumina le ciel devant nous. Sûrement la foudre qui était tombée sur le cargo. Je rentrai immédiatement pour ne pas être tué bêtement par un tel accident. Hugo situait maintenant notre cible à 2,5 km. On le suivait avec précision maintenant sur l'écran. Vu l’écho radar, cela devait être un Liberty Cargo faisant route au sud-sud-ouest à vitesse moyenne. Finalement, certains ont été forcés d'admettre que c'était bien pratique la technologie...

Un bateau de 7000 t. Bon, cela aurait pu être pire... Nous aurions pu tomber sur un bateau de pêche !

02 h 24. Je remonte aux nouvelles.

Je suis accueilli par une grosse vague qui passe à un bon mètre au-dessus de nous. J'avais tout juste eu le temps de me sangler après avoir refermé le panneau. Heureusement... Nous apercevons  l'écume des vagues se cassant sur la coque de notre cible.

- Ouvrez les tubes deux, trois et six ! Criais-je dans l’interphone. Je préférai rentrer gérer l'attaque de l'intérieur, grâce au périscope, aidé du radar et de l’hydrophone.

- 1,6 km.

- Continuez.

- 1 000 mètres.

Je sortis le périscope. Je n'avais pas une visibilité suffisante pour une attaque correcte. Il nous fallait encore nous rapprocher. Nous ne donnions que 13 nœuds.

- 500 mètres.

- Périscopique ! Criais-je au Chef.

- Au sud ! Ordonnais-je au Navigateur.

Je le tenais maintenant dans mon réticule. Mais pour l'empêcher de se mettre à zigzaguer je préférais plonger pour qu'il ne me voie pas. Le chef réorganisa l'équipage pour l'attaque.

La cible filait à 7 nœuds, à la même vitesse que nous sous l’eau. Nous ne subissions plus le roulis. La cible était maintenant à 380 m.

- Tube six, lancez !

- Tube six lancé, commandant ; j'ai l'impression que nous sommes trop près. Répondit l'officier de tir vérifiant ses calculs.

La torpille n’exploserait pas, dans ce cas, à cause de la distance d'armement. Comme je tirais avec le tube arrière et que la cible que nous avions dépassée se déplaçait, la distance réelle était inférieure à celle que je mesurais au centre du submersible de quelques dizaines de mètres près ! Après  20 secondes, le temps calculé avant l'impact, rien. 25 secondes, toujours rien. L'officier de tir a eu malheureusement raison.

- Réduisez à un tiers.

- La torpille a explosée derrière lui commandant.

Elle n'était pas encore armée lorsqu’elle l’a percuté. Notre vitesse était maintenant de 4 nœuds. Il allait nous dépasser à son tour et je lui enverrais la torpille du tube 2. J'ai dû changer de cap et ré accélérer pour me rapprocher de lui pour ne pas le perdre. Malgré cela, nous ne parvenions pas à le rattraper, car il venait de virer de bord.

- Surface ! Rattrapez-le !

Il était 03 h 05 et nous étions toujours au même point.  Nous passâmes dix bonnes minutes à manœuvrer pour nous replacer en position de tir idéale. La chose se présentait à l'identique. Je décidai de changer de méthode :

- Pleine vitesse, plein sud !

Je comptais maintenant foncer perpendiculairement sur lui, légèrement sur sa proue. Je lui enverrais deux torpilles de l’avant, puis une troisième par l‘arrière après avoir passé devant lui, en plongée. Mais il fallait aller très vite pour tirer le plus tôt et donc le plus loin possible. Tous les tubes avaient été remplis.

- Tubes deux et trois, lancez ! Cap au sud, à toute vitesse !

Une gigantesque explosion se fit retentir tandis que le submersible entamait sa descente à une trentaine de mètres.

- Hourra !!! Cria tout l'équipage en chœur. Une torpille n'avait pas explosé, elle explosa plusieurs minutes après un peu plus loin derrière. Comme la précédente, celle-ci a dû taper sur le côté, contre la coque du navire, mais sans exploser, peut-être à cause d’une défaillance du percuteur. Il était 03 h 22.

- Ca devrait lui suffire. Faites surface, mettez le cap au sud de l'Irlande et bonne nuit ! Quand il fera jour, vous en profiterez pour descendre la dernière torpille externe arrière.

- Commandant, le navire ne coule pas, il s’enfuit ! Dit l’hydrophoniste.

- On va l’achever. Route au nord. Ouvrez le tube quatre. Attaque en surface, réduisez la vitesse. Venez légèrement sur lui, la barre.

Si tôt en surface, je montai pour diriger « l'attaque » depuis la baignoire. Le marchand était en feu, nous n'avions pas de mal à le repérer. Je fis lancer la torpille dès que possible. Sans prendre le temps d'assurer mes calculs et cela allait sans doute nous coûter une seconde attaque, car nous étions très près encore une fois... Mais non, cette fois-ci il disparut très vite, absorbé par les abîmes dans une série d'explosions plus ou moins violentes de munitions, de compartiments écrasés sous l'effet de la pression de l'eau au fur et à mesure que le navire s'enfonçait.

- Rejoignez notre route au plus vite, et reposez-vous.

Il nous restait 11 torpilles encore, et la nuit était bien avancée. Les aiguilles de l'horloge de bord indiquaient 03 h 38. Je m'effondrai de sommeil sur ma couchette.

 

 

Pascal VILLARS

 

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© Pascal VILLARS