HISTOIRE
MALENCONTREUSE DU DUNKERQUE
Un des meilleurs
cuirassés Français, en 1939.
Dans cet exposé, je ne
ferai pas mention des faits n’aillant pas de rapports avec le Dunkerque.
Pourquoi le Dunkerque
fut-il mis hors de combat à Mers el Kébir, et non son
homologue, le Strasbourg ?
Il semblerait que ce
soit un problème d’organisation.
Lors des évènements
tragiques de Mers el Kébir
le 3 juillet 1940, le Dunkerque et le
Strasbourg, (cuirassés de classe Dunkerque) deux des meilleurs navires de
lignes Français s’y trouvaient, en rade.
Les Anglais
opposaient aux Français : un porte-avions ; (l’Ark-Royal)
leur meilleur cuirassé ; (le Hood)
plusieurs de leurs meilleurs croiseurs et destroyers, ainsi que plusieurs
sous-marins.
Les Français étaient
pourtant bien armés : deux cuirassés de classe Dunkerque ; deux autres de classe Bretagne ;
plusieurs contre-torpilleurs et destroyers. Dans le port d’Oran, (à
moins de cinq kilomètres) plusieurs sous-marins et autres bateaux. De plus, ils
bénéficiaient de quelques autres avantages : des batteries côtières et des
bases aériennes terrestres dotées de chasseurs et de bombardiers ; ou
également de moyens de défenses passifs tels que des filets anti-torpilles…
Pourquoi de nombreux
marins furent perdus et plusieurs navires endommagés ?
Tout d’abord, les
bâtiments étaient mal disposés : leur proue étaient
dirigées vers la montagne ! Cela condamne toute liberté de mouvements
urgents, mais aussi leurs pièces de
La raison de cette
disposition particulière était d’éviter au mieux les vents de travers venant de
la montagne.
Les munitions
étaient, pour raison de sécurité, non prête à l’emploi.
Les avions étaient
désarmés, puisque l’armistice Franco-allemand et Franco-italien était signé, ou
sur le point de l’être.
De plus, les avions
avaient été vidangés de leur essence et leurs roues dégonflées pour éviter que
les pilotes ne s’échappent vers Gibraltar.
Les torpilles des
sous-marins avaient été désamorcées, selon les conditions de l’armistice. De
même, les patrouilles étaient interdites.
Lorsque l’ordre de
préparation d’appareillage avait été donné le 3 juillet 1940 par l’amiral Gensoul, commandant la flotte de Mers el Kébir, les chaudières furent mises en pression, les
obus apportés dans les tourelles ; les torpilles réarmées et réinstallées
à bord des sous-marins ; les avions ravitaillés en essence et en
munitions, les pneus regonflés et sur certains, le gouvernail remonté.
Un certain temps a
donc été nécessaire pour que tout cela soit exécuté.
Mais vous remarquerez
qu’une chose pourtant décisive ne fut pas faite pour ne pas brusquer les
Anglais : les tourelles principales ne furent pas dirigées vers eux et
regardaient toujours la montagne.
Ces derniers avaient
ordre d’escorter les bâtiments Français jusque dans un port Britannique, ou de
les couler pour empêcher les Allemands ou Italiens de mettre la main dessus.
Un ultimatum avait été donné aux Français,
qui essayèrent de gagner du temps, pour préparer leur défense.
Donc Gensoul ne fit
pas déplacer les cuirassés. (De sorte que leurs artilleries principales
puissent viser la « force H », nom donné à la flotte
Britannique, basée à Gibraltar, commandée par l’amiral Somerville.)
Les cuirassés furent
tout de même prêts à appareiller d’urgence :
Cas du Dunkerque :
Chaudières en pression, ancres et amarres
larguées à l’exception d’une ancre dotée d’un maillon pour largage rapide à l’avant
et d’une amarre en Acajou à l’arrière, qu’il suffit de couper à la hache. (Ou
avec la force du navire, de la casser.)
Cas du Strasbourg :
Chaudières également sous pression, il était
tout de même mieux préparé à l’appareillage, puisqu’une seule attache en Acajou
retenait le puissant navire. La force de celui-ci suffirait à casser cette
amarre. Le Strasbourg, grâce à cette technique se déplaça de l’avant, se
mettant ainsi parallèle à la jetée, ses tourelles furent tournées au maximum
vers le large pour pouvoir riposter.
Les autres bâtiments
furent mis hors de combat avant de pouvoir appareiller, à l’exception des
contre-torpilleurs qui appareillèrent par la suite avec le Strasbourg,
sous le feu Anglais.
A l’expiration de
l’ultimatum : LA BATAILLE
Aux premiers coups de
canons des Anglais (les obus de
Les obus Anglais
tombèrent dans l’eau. Les Français pensaient les Anglais à douze mille mètres,
résultat du dernier relevé effectué. Les obus du Strasbourg tombèrent donc à quatre kilomètres du Hood.
Le Dunkerque, suite à cette salve rappela
tout son personnel aux postes de combats. Les matelots chargés de démonter les
amarres et ancres se mirent à l’abris, n’osant plus
opérer sous cette pluie mortelle : le bateau se trouvait être retenu, ne pouvant
appareiller à cause de l’ancre à l’avant du navire, qu’il fallait démonter
manuellement.
Après quatre longues
minutes, les officiers responsables de l’appareillage se hâtèrent, le navire
appareilla mais dès la troisième salve Britannique, il reçut des obus de
Les canons du Strasbourg
et une tourelle restée opérante du Dunkerque, en corrigeant leur tir de
Un hydravion de
réglage de tir tenta de retourner la situation : il indiqua la distance
réelle de l’objectif : seize mille mètres. Les cuirassés Français envoyèrent
donc une salve de
Le Strasbourg s’échappa, malgré des mines
magnétiques mouillées par les Anglais à la sortie de la rade. Les circuits de
démagnétisation du cuirassé pourtant incorrectement installés, il eu beaucoup
de chance de ne pas s’être fait détruire par ces engins (qui fonctionnaient,
après vérifications, parfaitement.) Les Anglais étant dans le sens opposé, en
ne croyant pas qu’un cuirassé s’échappait avec une demi-douzaine de
contre-torpilleurs.
Les Anglais
renoncèrent (lorsque fut signalée la fuite du Strasbourg par un avion
d’observation) à la course-poursuite, voulant préserver le Hood, seul capable avec une paire de croiseurs, de tenter de le
rattraper. (Des matelots avaient même cru voir avec tort que des torpilles les
avaient manqués de peu !)
Les avions de l’Ark-Royal manquèrent tous le cuirassé, qui se
réfugia à Toulon sans dommage.
Mais revenons au Dunkerque.
Quatre obus Anglais
l’avaient sérieusement endommagés, mais Gensoul fit savoir au gouvernement Français, par TSF non
cryptée, que le cuirassé n'avait pas subit d’important dommages, qu’il serait
prêt à reprendre la mer rapidement avec un cuirassé endommagé de type Bretagne,
(le Provence) et un contre-torpilleur également endommagé, le Mogador,
pour être tous réparés en rade de Toulon.
Les Anglais,
instantanément mis au courant (à cause de la négligence du cryptage des
transmissions TSF) décidèrent d’infliger des dégâts plus considérables à ce cuirassé
qu’ils n’avaient visiblement pas neutralisés. Ils mirent au point un nouveau
plan d’attaque : à la torpille aérienne. Les obus étant trop dangereux
pour les civils, qui n’étaient pas considérés comme des ennemis (je rappelle
que ces actions contre les Forces Françaises n’avaient qu’un seul but :
empêcher que la Flotte Française ne tombe entre les mains des Allemands. A Alexandrie,
l’escadre Française s’est laissée « interner » par les Anglais sans
opposer de résistance.)
Plusieurs vagues
d’attaques étaient prévues.
Les Français,
lorsqu’ils furent au parfum, accostèrent des patrouilleurs au Dunkerque pour faciliter l’abandon du
navire en cas de problème. Un de ces patrouilleurs (le Terre-neuve)
rentrait de mission de Casablanca : il possédait encore 14 grenades
sous-marines armées, 14 autres amorcées en position sécurité, portant à 28 le
nombre de grenades sous-marines considérées comme dangereuse. Ce point est
essentiel pour la suite. Il en restait 16 complètement désamorcées,
inoffensives.
Les patrouilleurs
avaient accostés le long du Dunkerque
empêchant des torpilles d’exploser contre celui-ci, but non recherché puisque
des filets anti-torpilles auraient mieux remplis cette tâche. Par ailleurs,
était-ce préférable que des grenades sous-marines explosent à côté du
cuirassé ?
L’Amiral cru bon
d’interdire de se servir de la DCA du cuirassé : pour faire croire qu’il
était abandonné ! Même si les Anglais l’avaient cru, ils auraient pu voir
l’équipage du cuirassé entrain de dormir sur la plage avant du navire !
Pour accélérer l’évacuation du bâtiment, et parce que les hommes l’aimaient
bien, ils préféraient passer leurs nuits à cet endroit.
L’opération Anglaise
se déroulant tôt le matin, l’équipage sera réveillé
par la DCA des navires voisins et de la rade.
LA SECONDE BATAILLE
La première vague
tenta donc de le couler, comme je l’ai dit plus haut, à la torpille (comme
toutes les autres d’ailleurs) pour limiter le nombre de victimes qui
auraient été considérablement élevé avec les canons du Hood. (Cette dernière procédure n’avait pas été exclue : si
l’opération avait raté avec des torpilles, Somerville avait ordre de
couler le navire de ligne Français avec ses canons.)
Résultat de la première
attaque : une seule torpille a touché un navire : le patrouilleur Terre-Neuve.
Cette torpille n’ayant même pas explosé ! Ce bateau commença légèrement à
couler, car la torpille créa tout de même une brèche dans la coque.
Deuxième vague : une torpille fonça droit
sur ce même patrouilleur qui empêchait sans le vouloir, les torpilles
d’exploser contre le Dunkerque.
Résultat : la torpille explosa
dans le Terre-neuve, en le détruisant totalement. Il coula presque
instantanément. Le Dunkerque est à ce
moment précis toujours intact, mis à part quelques débris du Terre-neuve
qui allèrent encombrer le cuirassé.
Le pire arrive :
les grenades ASM contenues dans le chalutier, à cause de la pression pourtant
négligeable de l’eau explosèrent, quelques minutes après juste en dessous du
cuirassé.
Résultats de ce coup indirect
de la part des Anglais : la coque ouverte sur
Dégâts, autre que cette brèche : deux
plaques de blindages déplacées ; les ponts blindés soulevés ; la
cloison pare torpille est éventrée sur quarante mètres ; la soute a
munition de l’artillerie principale, heureusement noyée (pour éviter une
explosion catastrophique) pourtant touchée n’explose pas. La déflagration est
telle que les télépointeurs* s’ont sortis de leur guide : ils ne
peuvent plus bouger.
Une chose est sûre : plusieurs torpilles
n’auraient pas créé autant de dégâts.
La troisième et dernière vague ne
fait que peu de dégâts : une torpille alla droit sur le Dunkerque mais n’explosa pas ; une
autre alla faire exploser un dragueur, et le fit couler.
Une question reste encore : pourquoi
est-ce qu’aucune torpille n’a explosée contre le cuirassé ?
Plusieurs réponses
ont été avancées :
-
Torpilles
défectueuses, (peut-être à cause des modifications qu’il a fallut faire pour
qu’elles ne s’enfoncent pas dans la vase des eaux très peu profondes de la
rade)
-
Torpilles
volontairement défectueuses : des soldats Anglais auraient pu les
saboter : personne (des deux côtés) n’était très « chaud » pour
attaquer les « alliés d’hier »,
-
Pilotes
volontairement incompétents pour la même raison.
Les torpilles non
explosées ont été repêchées après l’attaque : certaines n’étaient même pas
amorcées, d’autres étaient cassées en deux à cause du choc de la torpille
contre l’eau. Il y en a même dont le moteur n’a pas fonctionné, ou qui ne
possédait tout bêtement pas de détonateur, mais une simple pièce en bois à
la place !
Le Dunkerque, suite à cette attaque fut
amené dans le port de Toulon pour réparations, l’immobilisant jusqu’à la
fin de la guerre. Il fut ferraillé en 1959.
* Télépointeurs : Ce sont des
tourelles installées le plus haut possible sur le navire. Elles servent à viser
la cible et à indiquer sa direction et sa distance aux canonniers qui sont plus
bas et ne pouvant pas voir la cible.
LES SOURCES
La deuxième guerre
mondiale
de la collection HISTORIA, HACHETTE.
Les grandes batailles
navales de la seconde guerre mondiale, la flotte Française est prise en
otage-le drame de Mers el Kébir de Jean-Jacques Antier, édition FRANCE LOISIR, collection
OMNIBUS 2000.
Le site Web :
VILLARS Pascal
©
Pascal VILLARS